31 octobre 2024
Humundi race 2024
Lire la suite24 octobre 2024
« Les négociations avec le Mercosur devraient être conclues rapidement » a déclaré le 2 octobre le Chancelier allemand Olaf Scholz. Les négociations techniques de l’Accord de libre échange Union européenne – Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ont repris au début du mois de septembre. Le Président brésilien Lula da Silva fait également pression pour aboutir avant le sommet du G20 à Rio de Janeiro à la mi-novembre.
La revue Défis Sud d’Humundi publiait en 2022 un article intitulé «UE-Mercosur, chronique d’une mort annoncée». Cet article expliquait que les perdants de cet accord seraient entre autres tous les acteurs se battant pour une transition vers des systèmes alimentaires durables. Où en sont les négociations en 2024 ? Faisons rapidement le point avec Lora Verheecke, chargée de recherche commerce au CNCD.
L’Allemagne, l’Espagne et le Brésil poussent à l’accord, la France, l’Autriche, l’Irlande freinent, la Pologne se tâte. Pourriez-vous rappeler quels sont les intérêts sous-jacents qui expliquent ces positionnements actuels ?
Lora Verheecke : Comme dans tous les accords de commerce européens, il y aura des secteurs qui vont perdre économiquement et d’autres qui vont gagner suite à la mise en application de l’accord.
Les gagnants seront les secteurs automobiles mais aussi ceux de la chimie et des pesticides, notamment, qui vont voir leurs exportations, parfois toxiques, augmenter, d’où la pression du gouvernement allemand pour cet accord.
L’Espagne pousse pour cet accord afin d’exporter des produits agricoles à forte valeur ajoutée tels que l’huile d’olive.
Mais les perdants seront aussi nombreux, surtout dans le secteur de l’élevage bovin. C’est pour cela que l’on parle souvent de cet accord comme un accord « viandes contre voitures ».
C’est pourquoi des grandes nations agricoles telles que la France, l’Irlande ou la Pologne ne sont pas en faveur de cet accord. Des questions environnementales, surtout en termes d’augmentation de la déforestation, pèsent également dans la balance et rendent cet accord très impopulaire dans les électorats autrichiens, français, irlandais et même néerlandais.
Dans l’Union européenne et au-delà, un large éventail de mouvements politiques et sociaux, aux convictions idéologiques parfois radicalement opposées, rejettent la ratification du Mercosur. Les arguments contre l’accord UE-Mercosur sont-ils pour autant partout identiques ?
LV : Je dirai qu’il y a deux mouvements aujourd’hui associés au rejet de l’accord avec le Mercosur, et de la politique commerciale européenne en général.
D’une part, il y a des mouvements politiques et sociaux qui demandent que le commerce soit au service du développement durable. C’est notre position. Si les traités de commerce augmentent la déforestation, les émissions de gaz à effet de serre ou encore les violations des droits humains et syndicaux, alors ces mouvements s’allient contre ces traités.
D’autre part, il y a des mouvements politiques et sociaux qui prônent un repli européen, un repli sur soi, et donc un certain nationalisme. Dans ces mouvements, on prône le protectionnisme commercial pour ne pas ou pour peu se lier avec des pays non-européens.
On parle de compensations pour les récalcitrants, de quoi s’agit-il exactement ?
LV : Ces derniers jours, des journaux ont rapporté que l’UE pourrait mettre en place un fonds de compensation pour les agriculteurs qui subiraient les conséquences de l’accord de commerce UE-Mercosur. Il s’agirait de milliards d’euros distribués aux agriculteurs français, irlandais, autrichiens et peut-être belges.
La réaction du secteur agricole a été très virulente, avec le sentiment que l’on achetait leur silence. Un syndicat agricole irlandais a même parlé de « pots de vin ».
La Commission européenne semble vouloir passer en force, y a-t-il des moyens de l’en empêcher ?
LV : La Commission a une stratégie pour contourner l’opposition de nombreux pays membres à l’accord de commerce : séparer l’accord d’association. En extrayant la partie commerce de l’accord, elle peut ainsi signer le traité de commerce avec l’approbation des Etats Membres par majorité qualifiée et non par unanimité. Cela signifie que même si le gouvernement fédéral belge s’abstient, l’accord pourra tout de fois être approuvé au Conseil.
Ensuite, cet accord sera voté au parlement européen. Si la majorité des députés européens l’approuvent, il rentrera en vigueur.
La question est : cette séparation de l’accord est-elle légale ?
Propos recueillis par Pierre Coopman
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