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La 16e conférence des Parties à la Convention sur la biodiversité biologique a eu lieu à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre dernier dans un contexte de guerres, de catastrophes climatiques et de réélection de Donald Trump, pour qui le climat et l’environnement sont loin d’être des enjeux centraux. Cette COP a accouché de trop maigres engagements, mais n’a pas été un échec à tous les niveaux.
La précédente Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) à Montréal s’était conclue par un accord historique fixant un cadre (1) mondial en faveur de la nature jusqu’en 2030 : un Fonds mondial pour la nature (GBF). Ce cadre prévoyait la protection de 30 % de la planète (terres et océans) et 30 % des écosystèmes dégradés d’ici à 2030. Il contenait également des propositions visant à accroître le financement des pays en développement. Deux ans plus tard, on assiste plutôt au détricotage de ces objectifs ambitieux.
Salima Kempenaer est attachée au Service Public Fédéral santé, environnement, sécurité de la chaîne alimentaire, DG Environnement. Elle faisait partie des négociateurs belges à le COP de Cali.
Cette année, la COP 16 est appelée « COP des peuples ». En quoi cet intitulé a-t-il tenu ses promesses ?
Salima Kempenaer : Cette COP n’a pas été un échec à tous les niveaux. En effet, sur les quatre plus importants sujets de discussion, deux ont abouti avec succès. Il s’agit d’une part de la création d’un organe subsidiaire qui renforce la participation des peuples autochtones à la Convention sur la diversité biologique. C’est une avancée à saluer. Il s’agit d’une décision inédite au niveau multilatéral. Les populations autochtones et les communautés locales vont être officiellement représentées et auront leur organe de décision. Elles ne seront plus uniquement représentées au travers des pays qui sont parties de la convention. Il a fallu huit ans de discussions pour enfin parvenir à cette décision.
Il semble que les financements annoncés ont été revus largement à la baisse ?
Dans l’ensemble, les engagements internationaux de financement de la biodiversité ont fortement augmenté, passant de 7 à plus de 15 milliards par an entre 2015 et 2022. Mais nous sommes encore à 23 % de l’objectif fixé, c’est-à-dire 20 milliards d’USD d’ici 2025. Des discussions ont eu lieu concernant la création d’un nouveau fonds demandé par le Sud global qui abrite la plus grande part de la biodiversité. Or les pays riches, principaux donateurs, ont émis des réticences jugeant que la dispersion des fonds engendrerait des coûts supplémentaires, du temps.
Néanmoins, un accord a pu être trouvé concernant les modalités d’opérationnalisation du mécanisme multilatéral du partage juste et équitable des avantages du séquençage des ressources du patrimoine génétique (plantes, animaux). Les pays en développement estiment qu’ils étaient face au pillage de leurs ressources au profit d’entreprises des secteurs pharmaceutiques, des cosmétiques, alimentaires. Une grande partie des données du vivant a été séquencée et mise à disposition de tous en ligne. Cette disponibilité court-circuitait le droit des états à en contrôler l’accès et à tirer des bénéfices issus de ces innovations.
Actuellement, toute entreprise dépassant une taille déterminée et qui bénéficie de l’utilisation de ces données publiques devra partager une partie de ses profits ou chiffres d’affaires et cela pourrait contribuer de un à plusieurs milliards par an pour la préservation de la biodiversité.
En dehors de ces réelles avancées, d’autres points essentiels n’ont-ils pas pu obtenir des décisions satisfaisantes ?
Un des points importants débattus était la nécessité des pays à rendre compte de leur engagement en faveur de la biodiversité et cela n’a pas pu aboutir. On voit par exemple, qu’en Wallonie, les engagements pris pour le financement ont récemment largement été revus à la baisse. Seuls 20 % des pays ont présenté leurs plans nationaux deux ans après la COP 15.
Par ailleurs, la question du financement est arrivée dans le débat, tout à la fin des discussions, au moment où la plupart des participants les avaient déjà quittées. Les délégations n’avaient pas eu le temps de les discuter alors que pas mal de changements avaient été apportés. Le quorum n’était pas respecté. Cette question sera débattue au plus tard au printemps prochain mais nécessite une solide préparation et de nombreux efforts diplomatiques de la part de la présidence colombienne.
On peut imaginer que les pays européens ne souhaitent pas affaiblir la convention même si au sein de l’Union certains se montrent très durs sur la question des financements. Une note d’optimisme dans un océan d’incertitudes.
Propos recueillis par Laurence Delperdange
(1) Le cadre en question est l’accord pour la biodiversité Kunming-Montréal en 2022. Il contient 23 objectifs novateurs destinés à sauvegarder le monde naturel et dont l’échéance est fixée à 2030. Il comprend des mesures concrètes pour stopper et inverser la perte de la nature, notamment en mettant sous protection 30 % de la planète et 30 % des écosystèmes dégradés d’ici à 2030.