13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite26 mars 2025
Alors que l’arrêté royal belge interdisant l’exportation de pesticides interdits, adopté en juin 2023 sous la pression de la campagne Stop-pesticides que nous avons menée en coalition avec d’autres ONG, doit entrer en vigueur en mai 2025, le combat se poursuit au niveau européen. En effet, la Commission européenne tarde à honorer son engagement pris en 2020 : mettre un terme à l’exportation de ces substances dangereuses vers des pays tiers.
Chaque printemps, la semaine d’Action contre les Pesticides (Pesticide Action Week) rappelle les dangers liés à l’usage des pesticides et promeut des alternatives à l’agriculture industrielle. L’occasion pour nous de mettre en lumière un paradoxe choquant : bien que la Commission européenne ait interdit l’usage de plus de 200 substances actives sur son territoire, les industries de l’agro-chimie continuent de produire et d’exporter massivement ces pesticides interdits vers des pays tiers. Cette pratique est dénoncée comme une forme de colonialisme moléculaire, favorisant un commerce toxique et mortel pour les agriculteurs et agricultrices du Sud global, pour l’environnement, mais aussi pour les consommateur·ices européen·nes. Il faut coûte que coûte y mettre fin !
Notre campagne Stop-pesticides a révélé un chiffre alarmant : entre 2013 et 2021, la Belgique a exporté près de 63 000 tonnes de substances actives interdites, faisant d’elle un acteur clé de ce commerce toxique. Plus largement, l’exportation de pesticides interdits au sein de l’UE est en forte augmentation puisque si Public Eye a révélé qu’en 2018 l’Union européenne exportait 81 000 tonnes de pesticides. En 2022, ce chiffre est monté à plus de 120 000 tonnes d’exportation…sans compter le Royaume-Uni qui représentait 40% des exportations avant le Brexit). Cela signifie que, pour l’UE continentale, ces exportations ont explosé de 175% entre 2018 et 2022.
Si l’arrêté royal belge que nous avons obtenu grâce à notre campagne marque une avancée significative, il reste insuffisant pour protéger la santé humaine et l’environnement. En effet, la production de ces pesticides est déjà en train d’être délocalisée vers d’autres pays européens. Il est donc crucial d’intensifier la pression sur la Commission européenne afin qu’elle prenne des mesures efficaces et mettre un terme à ce commerce toxique.
En septembre 2024, la Commission européenne a publié son Dialogue stratégique sur le futur de l’agriculture, où elle s’engageait à aligner sa politique commerciale sur ses objectifs de développement durable. Toutefois, sa Vision pour l’agriculture et l’alimentation, un programme resserré du Dialogue, dévoilée en février 2025, montre une nette réduction des ambitions initiales.
Au lieu d’une interdiction claire et rapide des exportations de pesticides dangereux, la Commission évoque désormais une étude d’impacts, soit un programme beaucoup moins ambitieux et surtout inadapté à l’urgence du problème. Ce manque de réactivité pénalise non seulement le monde paysan et les consommateurs des pays tiers exposés à ces substances, mais aussi les agricultrices et agriculteurs de l’Union européenne, confrontés à une concurrence déloyale de produits importés cultivés avec des pesticides interdits en Europe. Sans parler de l’effet boomerang toxique, car les résidus des pesticides dangereux que nous exportons finissent dans nos assiettes par les produits importés en Europe.
De plus, la Commission ne prévoit aucun soutien technique aux petites exploitations agricoles des pays partenaires, pourtant essentielles pour leur permettre d’adopter des normes équivalentes aux exigences européennes. Exiger des agriculteurs du Sud global qu’ils renoncent aux pesticides interdits sans leur fournir d’alternatives viables est incohérent et injuste.
Malgré les nombreuses déclarations politiques, les avancées concrètes restent insuffisantes. L’UE doit adopter une position ferme et cohérente en mettant fin définitivement à l’exportation de pesticides interdits. C’est pourquoi, nous serons présents ce jeudi 27 mars devant la Commission européenne (Bâtiment Berlaymont), à 10:30, aux côtés de nos alliés de Pesticides Action Network et de Broederlijk Delen, pour exiger une action immédiate et efficace pour protéger la santé des agriculteurs, des consommateurs et de l’environnement à l’échelle mondiale.