13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite19 mars 2025
Les campagnes de marketing de nos supermarchés sont partout : sur des affiches prometteuses, sur les emballages, dans les abribus ou même à la télévision. Elles ont toutes un point commun : convaincre le consommateur que leurs produits sont bons, de qualité, locaux, durables, etc. En Belgique, on retrouve par exemple Act for Food de Carrefour ou l’initiative des magasins Delhaize, temporairement rebaptisés Belhaize pour promouvoir les produits locaux. De même, sur son site web, Carrefour s’engage à « respecter producteurs et environnement » tout en offrant « le meilleur au meilleur prix ». Mais derrière ces slogans ambitieux, la question demeure : est-il possible pour la grande distribution de vendre des produits sains, locaux, de qualité, respectueux de l’environnement, issus de pratiques agricoles durables – tout cela à un prix défiant la concurrence ?
Certes, les grandes surfaces ont multiplié les initiatives en faveur de la durabilité. Par exemple, Colruyt mise sur l’énergie renouvelable : selon le groupe, en 2023, 98,9 % de l’électricité utilisée dans ses magasins provenait de sources renouvelables, notamment grâce à l’installation de panneaux solaires sur les toits des magasins. Mais ces efforts, bien que louables, restent souvent anecdotiques face à l’ampleur des défis environnementaux. D’autant plus que certains de ces gestes servent davantage à améliorer l’image des enseignes qu’à s’engager réellement dans la transition écologique.
De surcroit, des pratiques bien moins vertueuses perdurent en parallèle. Les produits suremballés restent par exemple omniprésents. En 2023, l’ONG City to Ocean recensait 171 produits doublement emballés dans du plastique dans un supermarché Colruyt. De même, les grandes surfaces affichent des produits locaux, mais continuent de dépendre massivement des importations, surtout pour les produits transformés. Parfois, même les marchandises étiquetées « locales » parcourent des milliers de kilomètres pour atteindre le magasin. De même, les produits issus de l’agriculture industrielle et des monocultures dominent les rayons, contribuant à la déforestation, la perte de biodiversité et l’appauvrissement des sols. Les élevages industriels intensifs, enfin, restent la principale source de viande, et les poissons proposés incluent fréquemment des espèces issues de la surpêche.
Comme le souligne l’enquête Superliste menée par Test Achats en 2022, bien que des efforts soient visibles, ils demeurent trop anecdotiques pour initier une véritable transition alimentaire durable.
Pour devenir de véritables moteurs du changement, les supermarchés doivent aller au-delà des actions symboliques ou isolées, en opérant une transformation systémique de leur modèle : repenser leurs chaînes de production, privilégier l’approvisionnement en circuits courts et s’extraire, en partie du moins, de la logique compétitive de maximisation des profits dans laquelle ils sont ancrés.
Cette transition ne pourra se faire sans un soutien politique. En Wallonie, les supermarchés de plus de 2500 m² ont par exemple l’obligation depuis 2014 de proposer leurs invendus alimentaires consommables à des associations d’aide alimentaire. Mais aucune obligation similaire n’existe en Région flamande ou bruxelloise. En ce sens, les politiques en matière de systèmes alimentaires restent encore très pauvres et peu nombreuses.
En attendant que de nouvelles politiques voient le jour et que nos supermarchés s’engagent à revoir leur modèle, d’autres formes de distribution plus vertueuses existent et peuvent être favorisées. Par exemple : les GASAP (Groupes d’Achat Solidaire de l’Agriculture Paysanne) qui permettent aux consommateurs d’acheter directement aux producteurs locaux, les ventes à la ferme, les coopératives alimentaires, ou encore les supermarchés participatifs, au sein desquels les clients deviennent acteurs en contribuant au fonctionnement du magasin. Ces initiatives montrent qu’un autre modèle économique est possible, fondé sur les principes de l’économie sociale et solidaire. Reste à savoir si ces alternatives peuvent rivaliser avec les grandes enseignes ou si celles-ci, sous la pression des politiques et des citoyens, finiront par transformer leur modèle en profondeur pour devenir de véritables acteurs du changement.
Rédaction : Ophélie Michelet
Supporterres n°31