22 avril 2025
Socfin : l’enquête Bloomberg confirme des violations des droits humains
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Il y a plusieurs années, Humundi – aux côtés d’autres organisations de la société civile, dont FIAN Belgique – alertait sur les violations graves des droits humains commises dans les plantations de la Socfin, un groupe agro-industriel co-détenu par Vincent Bolloré et l’homme d’affaire belge Hubert Fabri. Ces alertes, venues des communautés du Cameroun, de Sierra Leone et du Liberia, faisaient état de violences, d’expropriations de terres et de conditions de travail inhumaines.
Le 17 avril 2025, une enquête d’investigation de six mois publiée par Bloomberg confirme ces accusations avec force détails. Signée par les journalistes Sheridan Prasso, Benoît Berthelot et Gaspard Sebag, l’enquête révèle un système structuré de coercition sexuelle, d’abus de pouvoir, de violation des droits au travail et de répression judiciaire dans les plantations de caoutchouc appartenant à Socfin.
I said, ‘No, I don’t want you because I have my husband’
He told me this, ‘Since you not agree, I will not assign you. ‘
Ces paroles sont celles de Rebecca (nom d’emprunt), ouvrière sur la plantation de la Liberian Agricultural Company, propriété de Socfin. Son témoignage, recueilli par Bloomberg, décrit des demandes sexuelles quotidiennes, un climat de peur permanent et une absence totale de recours pour les femmes victimes d’abus.
Rebecca explique qu’elle a besoin de ce travail pour nourrir ses enfants et payer leurs frais de scolarité dans l’école gérée par l’entreprise elle-même. Mais en tant que travailleuse contractuelle, elle ne bénéficie d’aucune protection, gagne environ 3,50 dollars par jour – bien moins qu’un·e salarié·e permanent·e – et paie même davantage de frais de scolarité
Elle n’est pas un cas isolé. Bloomberg a recueilli les témoignages de sept autres femmes au Liberia et au Ghana décrivant des expériences similaires.
Le caoutchouc produit dans ces conditions est exporté vers l’Europe et les États-Unis. Bloomberg confirme, sur la base des données douanières, que Michelin, Bridgestone et Continental comptent parmi les acheteurs du groupe.
Le PDG de Michelin, Florent Menegaux, interrogé par Bloomberg:
« Si j’étais au courant de telles choses, nous arrêterions d’acheter. C’est clairement inacceptable ! ».
D’autres entreprises s’approvisionnent en huile de palme issue de plantations Socfin, utilisée notamment dans les produits de la marque Nestlé.
L’enquête révèle que Socfin et le groupe Bolloré ont intenté plus de 50 poursuites judiciaires contre des journalistes, des ONG et des militants. Parmi les cibles de ces procédures-bâillons, figurent l’ONG belge Fian mais aussi Humundi.
En 2019, Socfin a poursuivi FIAN et plusieurs autres organisations ainsi que leurs employé·es pour diffamation, invoquant une série de publications et de rapports publiés sur les réseaux sociaux. La majorité de ces actions en justice ont été rejetées, retirées ou classées sans suite.
« L’impact a été important. Nous avons dû assumer plus de 60 000 euros de frais juridiques pour nous défendre. Le but de Socfin était clair : faire taire les voix critiques, nous épuiser. Ce sont cinq années de temps et d’énergie que nous n’avons pas pu consacrer à défendre les droits fondamentaux des paysan·nes », témoigne Florence Kroff, coordinatrice de FIAN Belgique.