13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite31 mars 2023
Nous serions vite tenté.e.s de vouloir augmenter la production alimentaire pour pouvoir nourrir plus de monde. « Ben oui, pour que tout le monde mange à sa faim, il suffit de produire plus ! » Désolée de vous décevoir mais, en réalité, les choses ne sont pas si simples. Doubler la production alimentaire mondiale ne serait en fait d’aucune aide, c’est le système alimentaire global qu’il faut revoir. On vous explique.
Voilà une idée reçue véhiculée par les multinationales du secteur agroalimentaire depuis les années 60 et qui persiste encore aujourd’hui. Or, ce discours productiviste bénéficie à ces mêmes multinationales : dire qu’il faut produire plus, c’est s’assurer des débouchés et donc un chiffre d’affaires conséquent. Ce discours a beau être tenace, il est aussi inefficace puisque 821 millions de personnes souffrent toujours de la faim aujourd’hui.
Actuellement, la Terre est déjà capable de nourrir 12 milliards d’habitant.e.s. Oui, vous avez bien lu ! Notre planète possède les ressources nécessaires pour nourrir chacun.e d’entre nous et bien plus. La production alimentaire mondiale est environ 1,5 fois supérieure aux besoins alimentaires des 8 milliards d’êtres humains. En outre, environ 30% de la production agricole mondiale est perdue ou gaspillée, que ce soit au stade de la récolte, de la transformation, de la commercialisation ou de la consommation des aliments.
Cependant, le gaspillage n’est pas le problème principal. L’écrasante majorité des personnes qui souffrent de la faim vit dans les pays de l’hémisphère Sud, des pays peu développés ou en voie de développement. 80% de ces personnes sont des agriculteurs, des éleveurs ou des pêcheurs et leur famille, qui ne parviennent pas à dégager un revenu suffisant pour vivre et se nourrir décemment. Produire sans pouvoir se nourrir, c’est le paradoxe de la faim.
En réalité, la faim n’est pas un problème de production ou de gaspillage mais de pauvreté et d’accès à la nourriture. Et ce dernier est directement influencé par les systèmes politiques et économiques. Ce sont notamment les politiques commerciales mondiales, les accords de libre-échange qui fixent les taxes d’importation et d’exportation. Elles impactent directement les prix des produits agricoles, qui sont échangés sur un marché mondial et sont donc tous en concurrence.
Or, cette concurrence est déloyale puisque les coûts de production sont incomparables d’une agriculture à l’autre. L’agronome Marc Dufumier explique dans le documentaire Sur le champ que « pour un même produit, il y a 200 fois plus de travail agricole chez la personne qui a travaillé à la main que chez la personne qui a utilisé un tracteur et une moissonneuse-batteuse. Ainsi, sur un marché mondialisé, la personne qui a travaillé à la main est contrainte de vendre sa marchandise à un prix 200 fois inférieur, ce qui est intenable. » Ils vendent à perte et plongent ainsi dans la pauvreté.
Les soutiens publics sont aussi très différents d’un pays à l’autre. Certains États préfèrent financer les produits destinés à l’export (le cacao, le café, le soja…) via des subsides octroyés aux agriculteurs qui cultivent ce genre de produits plutôt que de financer une agriculture vivrière. C’est le cas au Pérou : les agriculteurs qui produisent à petite échelle pour remplir les assiettes de populations locales ne reçoivent pas ou peu d’aides de l’État. En Europe aussi, nous retrouvons ce même mécanisme dans la PAC (Politique Agricole Commune) : 80% des subsides bénéficient à seulement 20% des agriculteurs, qui sont aussi ceux qui détiennent les plus grandes exploitations.
Quelles solutions s’offrent alors pour résoudre le problème de la faim dans le monde ?
Si les politiques ont un impact important sur la situation de faim et de pauvreté des paysan.ne.s, elles peuvent être revues afin de pérenniser et développer les sources de revenus des paysans : protéger les agriculteurs de la concurrence internationale inéquitable en signant des accords internationaux justes ; mettre en oeuvre les accords de Maputo qui prévoient, pour les États signataires, qu’ils octroient 10% de leur budget national à l’agriculture ; soutenir davantage les agricultures familiales et la transition agroécologique qui garantissent, sur le long terme, des revenus décents ; ou encore assurer un meilleur accès aux terres, aux moyens de production et aux infrastructures agricoles.
La souveraineté alimentaire est primordiale pour donner la possibilité aux populations de prendre eux-mêmes les décisions sur leurs productions et ainsi favoriser des modèles de production et d’alimentation plus durables, qui permettraient aux paysans de vivre de leur activité et qui les protègeraient donc de la faim.
Rédactrice : Ophélie Michelet
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