13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite31 mars 2023
Décembre 2011, Afrique du Sud. L’histoire de l’AFSA (Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique) commence à Durban, à la Convention des Nations Unies sur le changement climatique. À une époque où les pratiques agricoles traditionnelles étaient remises en cause, l’AFSA les prônait comme moyen de refroidir la planète et d’améliorer les moyens de subsistance des communautés. Aujourd’hui, l’AFSA, qui poursuit la même mission, fait face à un nouveau défi : les accords de libre-échange – qui, non, ne bénéficient pas aux agriculteurs.trices.
L’AFSA mène sa lutte aux cotés de 40 membres actifs dans plus de 50 pays africains. Il s’agit d’organisations d’agriculteurs.trices, de réseaux d’ONG, d’ONG spécialisées ou encore de mouvements de consommateurs.trices, toutes et tous animés par la même vision : des solutions africaines aux problèmes africains. En d’autres termes, la souveraineté alimentaire selon Via Campesina : « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes durables et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires. »
Pour l’AFSA, l’approche économique néolibérale des gouvernements africains, qui encouragent l’agriculture industrielle et le libre-échange, menace les emplois et les revenus des petit.e.s agriculteurs.trices. SOS Faim dénonce depuis longtemps la concurrence déloyale exercée sur le marché africain par les produits importés : subventionnés en Europe, faiblement taxés à la douane et écoulés en Afrique jusqu’à 30 % moins cher que les produits locaux.
Vous vous souviendrez certainement de la campagne « N’exportons pas nos problèmes », contre le dumping du lait européen sur le marché africain. Le surplus européen de lait, écrémé pour satisfaire la demande de beurre, est réengraissé à l’huile de palme et commercialisé à un prix dérisoire en Afrique de l’Ouest, sous forme de poudre de lait. Ce n’est qu’un exemple qui illustre comment le libre-échange nuit non seulement à la sécurité alimentaire de nombreux.euses producteurs.trices en Afrique, mais aussi en Europe – où iels sont contraint.e.s de brader leur lait. Le dumping du lait complique également l’accès à une alimentation saine : en effet, le remplacement de la graisse du lait par de l’huile de palme prive les consommateurs.trices de précieuses vitamines.
Bien que le secteur agricole soit le premier secteur d’activité en Afrique, la sécurité alimentaire y est fortement extravertie : les pays africains importent toujours massivement les denrées. Les dangers d’une dépendance excessive aux importations ont été amplement démontrés pendant la pandémie de COVID-19. Une étude commandée par l’AFSA indique que « la pandémie a perturbé la circulation des intrants et des produits agricoles mais a également démontré l’importance des chaînes de valeur courtes. Lorsque la nourriture était difficile à importer d’autres continents, les marchés territoriaux ont fourni la nourriture nécessaire dans de nombreux pays africains : leur développement aidera le continent à réduire sa facture d’importations alimentaires ».
Il s’agit de réseaux collaboratifs d’acteurs.trices allant de la fourche à la fourchette afin de créer de la valeur sur le plan environnemental, mais aussi économique et social. Les marchés territoriaux en Afrique offrent pas mal d’avantages : il y a un grand choix de produits alimentaires frais et nutritifs, les prix (négociables) sont abordables pour le.la consommateur.trice moyen.ne et ils sont inférieurs à ceux des supermarchés.
« Le désir croissant d’une production et d’une consommation alimentaires inclusives, culturellement acceptables et justes a augmenté la demande de tels marchés » affirme Million Belay, Coordinateur General de l’AFSA. Le développement d’un tel modèle aux niveaux régional, national et infranational donnerait aux Etats une nouvelle indépendance : celle alimentaire.
Par le passé, le protectionnisme agricole exercé par certains pays africains a porté ses fruits. Jusqu’en 1990, la Guinée importait des pommes de terre des Pays-Bas. Une politique de développement de la production locale, couplée à un arrêt des importations quelques mois par an pendant quelques années, a eu l’effet escompté : la production locale est devenue compétitive (au point d’être même exportée) et les importations quasi nulles. Le Cameroun a fait de même avec la production de volaille, le Sénégal avec les oignons, le Kenya avec le lait.
L’AFSA plaide pour une transition agroécologique en Afrique et une valorisation de la production et des savoirs traditionnels. Cela passe par une volonté politique mais aussi par un changement de mentalité et une réforme des systèmes alimentaires : une vision holistique d’un monde meilleur.
Rédactrice : Dieyenaba Faye
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