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Lire la suite23 septembre 2021
En mai 2021, Humundi a organisé un atelier sur l’avenir de la jeunesse en Afrique de l’Ouest à Bamako au Mali. Des jeunes du Sénégal, du Burkina et du Mali ont proposé des solutions d’accès des jeunes ruraux et des jeunes urbains aux emplois dans le secteur de l’agriculture et dans ses activités connexes.
Un podcast réalisé par Pierre Coopman, rédacteur en chef de la revue Défis Sud chez SOS Faim
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La perception que beaucoup de jeunes ouest-africains ont de l’agriculture n’est pas gratifiante. Pour cette raison, les participants à l’atelier ont voulu valoriser quelques projets parmi les plus attractifs réalisés par leurs pairs. Les caractéristiques que présentent les deux projets gagnants sont apparus comme indispensables à l’émergence des jeunes entrepreneurs pouvant constituer des références en milieu rural.
Adama Kanté, un jeune Malien de 22 ans, aujourd’hui à la tête de l’entreprise Food Santé, a eu l’opportunité dès sa sortie de l’école de gérer une ferme intégrée alliant l’arboriculture et la production céréalière. Il y a introduit de l’aviculture qui génère des ressources financières conséquentes et qui permet de mieux rentabiliser les autres activités de la ferme.
Aminata Ly, 29 ans, jeune promotrice de la ferme agroécologique SowRanch au Sénégal, a relevé le défi de conduite d’une entreprise après avoir suivi une formation en agroécologie au Brésil. L’apprentissage de ces techniques a permis à la jeune entrepreneuse agricole de s’associer à des stagiaires universitaires qui aident son entreprise à tester des innovations dans le domaine de l’agroécologie.
Il ressort de cette démarche de sélection des projets les plus attractifs que la fibre entrepreneuriale du jeune, l’accès au foncier, la formation et le financement sont les points critiques pour la promotion de l’emploi des jeunes en milieu rural. Les jeunes ont proposé une série d’axes d’intervention de nature à contribuer à la création d’emplois et à leur insertion en zone rurale.
Ils demandent une meilleure implication dans les processus politiques. Il s’agit de former des leaders afin qu’ils soient plus percutants dans la résolution des problèmes rencontrés, qu’ils puissent faire du plaidoyer concernant leurs besoins et renforcer la visibilité des actions des jeunes ruraux.
Le manque de financement apparaît comme une difficulté importante en milieu rural. Tous réclament la mise en route de fonds d’appui aux jeunes ruraux avec des guichets de proximité dédiés au financement de jeunes entrepreneurs et des produits financiers adaptés aux activités de production et de transformation agricoles. Il est essentiel de réaliser une décentralisation par le transfert de moyens.
L’un des objectifs de l’atelier était de lancer un plan d’action pour faciliter la diffusion de modèles d’insertion des jeunes et pour renforcer les agri-entrepreneurs.
Les pays du Sahel sont confrontés à une crise multidimensionnelle qui entrave les efforts de développement et à une crise d’ordre sécuritaire et socio-économique qui fragilise les jeunes en perte de repères. Cette situation accélère le rythme de dépeuplement des zones rurales, là où le système de production agricole est principalement basé sur la mobilisation de la main-d’œuvre familiale.
Les jeunes des zones rurales au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali vivent dans un environnement caractérisé par le sous-emploi et la faible attractivité des filières agroalimentaires. Ces jeunes éprouvent la difficulté voire l’impossibilité d’accéder aux dispositifs éducatifs mis en place par les États et par les collectivités territoriales. 60 % de la population dans ces trois pays a moins de 35 ans et n’a pas voix au chapitre dans les débats politiques.
Les présentations et les débats de l’atelier ont permis d’identifier les problèmes que rencontrent les jeunes dans leur recherche d’emploi et les actions concrètes que les jeunes eux-mêmes proposent pour résoudre ces problèmes. Les réflexions se sont focalisées sur l’offre d’emplois, sur possibilités d’insertion des jeunes en milieu rural et sur leurs motivations à y vivre et à y travailler.
Les conditions qui vont inciter les jeunes à s’orienter davantage vers les métiers de l’agriculture en zones rurales sont l’accès aux services de base, l’accès à la terre, la fourniture d’intrants, l’offre de formations, la possibilité de vente des productions à prix rémunérateur, l’accès au crédit et aux subventions.
Une étude du ROPPA (Réseau des Organisations Paysannes et producteurs de l’Afrique de l’Ouest) estime que trois millions de jeunes qui arrivent annuellement sur le marché du travail en Afrique de l’Ouest pour une offre d’emplois d’environ neuf cent mille postes. Parmi ces demandeurs, presque 60 % des jeunes sont des ruraux.
Les jeunes trouvent que la question de l’emploi est négligée par l’État. Ils se plaignent de l’insuffisance des services d’appui à l’agriculture, du faible accès à l’information ainsi que des problèmes d’accès à la terre, aux facteurs de production (équipements), aux marchés et aux financements.
En milieu rural, les jeunes obtiennent difficilement à une parcelle sur laquelle ils ont une exclusivité d’exploitation. Aux plus chanceux, la famille attribue à titre provisoire une parcelle pour développer des activités de production et d’élevage. Cette situation limite fortement l’engagement des jeunes, et encore plus des jeunes femmes, dans un environnement non sécurisé.
Plusieurs acteurs officiels, surtout Maliens, intervenant dans l’emploi, l’insertion et le développement territorial ont été sollicités pour présenter leurs expériences lors de l’atelier. Les participants ont assisté aux présentations des représentants de la Direction nationale de l’Emploi (DNE Mali), de la Direction nationale de la Formation professionnelle (DNFP Mali) ou encore de l’Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (APEJ). Les initiatives publiques et privées, en théorie, ne manquent pas
Mais dans la perception des jeunes, les interventions diverses apportent peu de solutions aux besoins. Au-delà de ce constat, les jeunes ont fait ressortir le manque d’encadrement, notamment celui préparant à la citoyenneté.
Les intérêts des jeunes sont mal défendus. Celles et ceux issues des zones rurales arrivent rarement à exposer leurs points de vue lors des forums de rencontre. La prise de parole des femmes paysannes reste difficile. Les formations existantes bénéficient peu aux jeunes ruraux.
Les jeunes rencontrent d’énormes difficultés d’accès aux facteurs de production comme les équipements, les intrants de qualité. Ces difficultés entravent l’accès aux métiers de l’agriculture. Pour y apporter des corrections, diverses actions sont proposées : la facilitation de l’accès aux équipements et aux intrants de qualité, l’appui à l’adoption des innovations afin d’améliorer la compétitivité des chaînes de valeurs agricoles, et la facilitation de l’accès des jeunes aux infrastructures de désenclavement.
Le secteur de la commercialisation des produits agricoles est généralement dominé par des commerçants (demi -grossistes, grossistes et détaillants) qui retiennent une part importante de la plus-value générée sur toute la chaîne. Pour améliorer la rentabilité de l’activité agricole en zone rurale, il faut pouvoir développer un circuit de distribution permettant de rentabiliser les activités. Afin d’attirer les jeunes vers le milieu rural, il est nécessaire de mettre à disposition des infrastructures de base et de commercialiser les produits locaux.
Autant dans le cadre de l’emploi salarial que de l’entrepreneuriat, il a été retenu que les jeunes ont besoin de formation et de renforcement de capacité. Il existe un réel besoin de construire des structures de formation à proximité des zones de production, d’ouvrir des opportunités de stages et d’apprentissage en milieu rural, d’améliorer la qualité des outils de formation, d’identifier des canaux de communication plus adaptés à une population jeune et de développer des programmes pouvant valoriser la fibre entrepreneuriale.
Rédaction : Pierre Coopman, sur la base du rapport de l’atelier rédigé par Moctar Boukenem et Fadiala Kamissoko
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