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13 décembre 2024

Lettre à mon petit frère

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« Cher petit frère,

Tu rentres à peine dans ta 5e année de vie. Ta vision du monde est remplie d’insouciance et tu ne te rends pas encore compte de tout ce qui se joue à l’heure actuelle. Je m’éveille peu à peu aux réalités de l’alimentation et de l’agriculture, ce qui me rend plutôt pessimiste face à ce qui t’attend. J’ai peur des combats que nous allons devoir mener pour permettre à tous les petits garçons comme toi de grandir dans un monde meilleur que celui que nous laisse nos prédécesseurs.

A travers cette lettre, je vais essayer de t’expliquer d’où l’on vient, où on en est aujourd’hui et notre rôle à jouer pour reconstruire un monde qui te permettra d’avoir les mêmes opportunités que nous.

Pour moi, la génération qui nous a précédé.e.s a commis l’une des plus grosses erreurs jamais commises qui a été d’avoir laissé la mondialisation industrialiser notre alimentation comme un bien commercial, mettant le profit en premier plan au détriment de l’objectif de base de la nourriture à savoir sa valeur nutritionnelle. Ce qui avait, à la base, été créé pour éradiquer la pauvreté et la faim l’a au contraire accentué.

Aujourd’hui, cette mondialisation fait qu’il est plus facile d’acheter des aliments transformés et moins nutritifs, mettant en danger la santé des populations. Qu’il est devenu la norme d’utiliser des pesticides et produits nocifs pour traiter les cultures et obtenir le meilleur rendement possible sans penser aux conséquences de leur utilisation. Qu’il est moins cher d’importer des aliments du bout du monde que de consommer ceux produits directement sur notre propre territoire. Tant d’incohérences qui semblent pourtant être devenues la norme à présent.

Heureusement, Chaton, ce n’est pas irréversible et de plus en plus de personnes se battent aujourd’hui pour dénoncer tout ça.

Si tu demandes à quelqu’un de s’imaginer un système alimentaire parfait, il te répondra probablement que, dans un monde idéal, les producteurs seraient rémunérés décemment, que les grandes industries arrêteraient la monoculture et les pesticides ou encore que chacun aurait accès à des aliments de qualités. Ces aspects pratiques semblent indispensables pour la plupart et pourtant ce n’est pas de ça dont je veux te parler aujourd’hui.

S’imaginer un système alimentaire idéal, c’est faire preuve d’imagination et je pense que celle-ci est un outil super puissant, mais elle n’est plus suffisante aujourd’hui. J’ai besoin de me dire que je t’écris ce texte pour décrire des choses réelles et pas seulement de mes espoirs et de mes idées. Comme je te le dis souvent, si tu penses suffisamment fort à quelque chose qui te tient à coeur, celle-ci se manifestera dans ta réalité. En partant de ce principe, j’ai l’intime conviction que si les gens pensent assez fort que le système alimentaire doit changer, alors il changera.

Évidemment, un changement aussi grand demandera des actions concrètes. J’aimerais te faire comprendre à quel point vouloir changer ce système ne passera pas uniquement par un changement des pratiques mais viendra très certainement d’un changement social et celui-ci devra passer par nous.

Pour moi, le changement aura l’apparence d’une révolution. Mais ce n’est pas pour autant que ce que nous faisons actuellement ne sert à rien, loin de là. C’est plutôt le contraire. Notre engagement d’aujourd’hui est le ciment du changement de demain. Tous ces petits progrès vont, ensemble, nous faire basculer vers le monde d’après. Et je l’espère te permettre d’être serein sur les questions qui nous, nous dévorent actuellement.

En réalité, ça va reposer sur nous, citoyens, et notre capacité à nous émanciper du système actuel. Tu ne te rends pas compte mais je peux te dire qu’on en est proche. Ces dernières années, de plus en plus d’initiatives citoyennes ont émergé parce que les gens se rendent compte de la perversité de notre système alimentaire. Les gens veulent manger mieux et s’informent de plus en plus sur la provenance et la durabilité de leur alimentation. Je ne vais pas être trop gourmande et je préfère penser que peu de gens peuvent faire bouger beaucoup de choses.

Dans tous les cas, nous sommes la génération du changement. Il est trop tard pour se donner des excuses et retarder l’inévitable. Nous tenons dans nos mains le plus gros des fardeaux qui est celui de régler les erreurs du passé afin que vous n’en soyez pas les héritiers.

Tu rentres à peine dans ta 5e année de vie, et j’espère ne pas avoir à te montrer cette lettre mais que tu puisses voir de tes propres yeux tout ce qu’on a accompli pour ton avenir ! »

Rédactrice : Loïse Jadoul