18 décembre 2024
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Lire la suite3 octobre 2024
Quand en finira-t-on avec la quête insensée de vouloir « développer » l’Afrique ? Bien qu’elle soit considérée comme l’un des berceaux de l’humanité, elle semble condamnée à devoir copier-coller les connaissances et pratiques occidentales pour pouvoir enfin exister aux yeux des puissances mondiales, et obtenir une légitimité sur la scène internationale… au prix de renoncer à sa culture millénaire.
C’est la question que pose le documentaire « The Last Seed », réalisé en 2022 par Andréa Gem, et diffusé au Festival Alimenterre. 77 minutes consacrées à ce mythe de Sisyphe dans lequel sont coincés les agriculteurs et agricultrices africaines depuis que l’Europe a décidé de les coloniser, mais surtout depuis « l’arrivée du marchand » dans les années 1950.
Blanc et riche, ce marchand a une perception homogène et négative de l’Afrique. Il réduit l’ensemble de ce territoire à des images de faim, de pauvreté, d’arriération. Il s’était ainsi donné une mission : moderniser l’agriculture africaine, qu’il considérait comme « trop primitive », autrement dit, pas assez productive. Sa solution ? Des semences sélectionnées avec soin qui produisent des légumes et des céréales plus grosses et plus belles. Or, celui qui contrôle la semence, contrôle inévitablement le reste de la production et, petit à petit, la tradition culturelle autour de la nourriture.
Un moment de rupture qui marque le début de la dégradation, voire de la perte, du riche patrimoine agricole du continent. Pour les entreprises privées, la semence, c’est de l’argent. Pour les paysans, c’est de la nourriture, don de la nature. On assiste ainsi à une guerre progressive entre les multinationales et les agriculteurs et agricultrices.
Car la soi-disant incroyable semence commerciale n’est pas aussi autonome et résiliente qu’elle le laisse croire. Pour continuer à être productive, elle a besoin de produits artificiels qui s’achètent… auprès du fameux marchand. Destinée à la monoculture, la semence commerciale engendre une perte de la biodiversité. Elle pousse à abandonner l’usage de la semence paysanne sacrée, héritée de nos ancêtres, qui nous nourrit à travers les âges. Le constat est frappant : il y a 50 ans, nous utilisions un tiers d’engrais en moins pour obtenir une tonne de grain. Mais c’est trop tard. La dépendance agricole est verrouillée. Ayant perdu leurs outils traditionnels, les agriculteurs et agricultrices n’ont pas d’autres choix que de se plier aux protocoles imposés par le marchand pour s’en sortir.
Si le tableau dressé est sombre, le film arrive néanmoins à expliquer la problématique de manière apaisée et esthétique. La beauté des images, colorées et mouvementées, nous plonge dans un récit axé sur les solutions. Aux quatre coins de l’Afrique, nous rencontrons des personnes engagées dans la lutte pour la souveraineté semencière. Chacune explique comment l’Afrique peut se libérer de cette « colonialité » et reprendre le contrôle de ses récoltes.
« The Last Seed » propose une remise en question de l’économie telle que l’Occident la perçoit, sous-entendant qu’il y a toujours une pénurie à combler. Le documentaire part du principe qu’il y a assez de nourriture produite sur Terre.
Face à l’écran, nous sommes également invité⸱e⸱s à repenser notre rapport à la beauté. Vous ne voulez pas acheter un chou parce qu’il a des trous ? C’est pourtant un chou sans pesticides, cadeau d’un champ aux herbes folles qui a été cultivé par des mains passionnées… N’est-ce pas une merveille ?
« The Last Seed » est une véritable ode à la nature. C’est une invitation à s’inspirer de sa sagesse pour grandir à son image, au rythme des saisons. C’est également une leçon d’humilité, qui nous rappelle notre condition humaine : nous ne sommes qu’une partie inhérente à la nature. Ne devrions-nous pas nous adapter à son image, plutôt que la forcer à s’ajuster à la nôtre ?
L’équipe de Humundi vous invite chaleureusement à venir découvrir ce conte décolonial, aux clins d’œils féministes, pour admirer la beauté de la Nature. Mais aussi pour découvrir la solution pour reprendre le contrôle face à l’industrie semencière. Vous voulez un petit indice ? Mère Nature en fait partie, c’est tout ce qu’on vous dira !
Rédactrice : Charlotte de Condé
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