Agir avec nous

image
Nos analyses > Carbon farming : solution ou illusion?

11 janvier 2024

Carbon farming : solution ou illusion?

icone

Le CO2 est la principale cause de l’augmentation de l’effet de serre et du changement climatique et son niveau ne cesse d’augmenter dans notre atmosphère. Comment enrayer cette problématique ? Arrêter complètement d’émettre du CO2 semble impossible dans la situation où nous vivons actuellement. Une solution semble émerger depuis peu : utiliser l’agriculture pour stocker le CO2 dans nos sols. C’est ce qu’on appelle le « carbon farming ».

Le carbon farming rassemble diverses techniques agricoles permettant de stocker le CO2 dans le sol, qui est un réservoir naturel de carbone. Via la photosynthèse, les plantes absorbent naturellement le CO2, qui est ensuite enfoui dans le sol pour créer de l’humus. Et plus il y a d’humus, plus la terre est saine et fertile pour accueillir davantage de plantes qui vont, à leur tour, capter le CO2. Donc, plus il y a de végétal moins il y a de carbone dans l’atmosphère. C’est tout le sens de la lutte contre la déforestation.

Selon la Commission européenne, plus de 42 millions de tonnes de CO2 pourraient ainsi être stockées dans nos sols chaque année, ce qui aiderait l’Union européenne à atteindre son objectif de neutralité carbone pour 2050, c’est-à-dire un équilibre entre les émissions et l’absorption de CO2. D’ailleurs, si on arrivait à augmenter de 0,4% chaque année la quantité de CO2 stockée dans le sol, cela suffirait à stopper l’augmentation annuelle de carbone dans l’atmosphère.

Du coup, une idée se fait petit à petit une place dans les assemblées des institutions européennes : rétribuer les agriculteurs.rices pour qu’ils capturent le CO2 dans leurs sols. La Commission Européenne se penche actuellement sur un cadre légal qui permettrait de vérifier les quantités de carbone stockées dans les sols. Ainsi, au plus les agriculteurs capturent de CO2, au mieux ils sont payés. Une idée séduisante mais à nuancer.

Une solution qui fait débat

Stocker de grandes quantités de carbone dans le sol nécessite une évolution des pratiques agricoles, afin de permettre aux sols d’absorber durablement le CO2 : limiter le travail du sol (labourage) pour préserver l’humus, pratiquer l’agroforesterie, planter des haies en bordure de champs ou encore développer des prairies temporaires et des cultures intermédiaires entre deux récoltes afin de maintenir le sol couvert de végétaux. Autant de techniques qui ne collent pas, aujourd’hui, avec les principes directeurs du système agricole industriel.

Par ailleurs, pour capter un maximum de CO2, les politiques publiques devraient, en toute logique, favoriser le stockage de carbone dans les très grands.des zones de cultures. C’est donc ces terres-là qu’il faut travailler pour y restocker du CO2 et aux grands exploitants.tes d’améliorer leurs terres pour en (re)faire des puits de carbone. Toutefois, cela risque de ne pas du tout profiter aux plus petits.tes exploitants.tes puisque le système de carbon farming récompense les agriculteurs.trices par tonne de carbone séquestré.

De plus, le « marché du carbone » est incertain et comporte des risques pour les agriculteurs.rices qui souhaiteraient s’y engager. Plusieurs questions restent à ce jour sans réponse : de quelle manière sera évalué le prix du carbone stocké dans le sol ? Ce prix pourrait-il être amené à évoluer? Que se passerait-il si un.e agriculteur.rice n’arrivait pas à stocker autant de CO2 que prévu, malgré le travail et les investissements qu’il aurait faits ?

On adhère ou on n’adhère pas ?

Si le carbon farming semble être, à première vue, prometteur, il ne pourra pas résoudre tous les problèmes d’émissions de CO2.

Notons d’abord qu’absorber du CO2 sans en réduire les émissions reste une technique proche du greenwashing : la captation du carbone dans le sol ne devrait pas être un moyen de compenser nos émissions mais devrait s’accompagner de solutions permettant de réduire durablement ces émissions.

D’autant que les sols ont également une capacité maximale d’absorption du CO2. Une fois cette capacité atteinte, il faudra trouver encore d’autres solutions pour stocker nos émissions de carbone, à défaut de les réduire très nettement.

A ce stade, « l’agriculture du carbone » est donc à prendre avec des pincettes : l’impact sur la lutte contre le changement climatique n’est certes pas négligeable, mais ces pratiques doivent être correctement encadrées d’une part et accompagnées d’une réelle baisse des émissions de CO2 d’autre part.

Rédactrice : Ophélie Michelet