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11 janvier 2024

Protéger les sols grâce à la loi : quel état des lieux?

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Avec un tiers des sols considéré comme dégradé sur Terre, « tout le monde admet qu’il est nécessaire d’agir plus énergiquement et à tous les niveaux », affirme l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans sa « Charte mondiale des sols » signée en 2015. Pourtant, à l’heure actuelle, cette organisation des Nations Unies ne recense que dix-huit États où il existe une loi spécifiquement liée à cette problématique.

Que nous apprennent ces actes législatifs nationaux ? Que la préservation des sols est intimement liée aux enjeux agricoles. L’Argentine, par exemple, parle de conserver les « sols productifs », c’est-à-dire ceux qui sont capables de soutenir toute forme de production primaire, agricole ou forestière. Et si certains pays comme le Sri Lanka ou la Namibie sont prêts à exproprier les terres pour les protéger des inondations et des sécheresses, d’autres comme la Tunisie, mettent sur le même pied d’égalité les défis environnementaux et agricoles liés aux sols.

Étalées sur les cinq continents et vieilles de 23 années en moyenne, ces lois nationales agissent à quatre niveaux : la protection des sols, leur conservation, l’arrêt de leur dégradation et leur restauration en cas de dommages. Il arrive que d’autres dimensions – santé, valeur foncière – soient également inclues.

Dans une plus large mesure, la communauté internationale est engagée dans la restauration des terres dégradées, témoignent « les Perspectives territoriales mondiales » des Nations Unies. Avec son Agenda de restauration des terres, cette dernière veut atteindre la neutralité en matière de dégradation des sols, c’est-à-dire réparer au moins autant qu’on détériore.

C’est dans cette optique qu’à la fin de l’année 2021, plus de 115 pays se sont engagés à restaurer 1 milliard d’hectares d’exploitations agricoles, de forêts et de pâturages – ce qui représente une superficie supérieure à celle des États-Unis ou de la Chine. Avec plus de 400 millions d’hectares à restaurer, c’est l’Afrique subsaharienne qui représente la région la plus vulnérable, suivie de l’Amérique centrale et du Sud (plus de 100 millions d’hectares). Le coût de ce programme : 1 600 milliards de dollars étalés sur dix ans. Un investissement colossal qui nécessite de nouvelles formes de partenariats entre les gouvernements, la société civile et les entreprises, plaide l’Organisation.

Se mettre d’accord…

En dehors de la sphère de l’ONU – qui organise chaque année une COP dédiée à la biodiversité, la dernière en date étant la COP15 – existent d’autres initiatives supranationales, plus symboliques que coercitives. Il s’agit de stratégies, de recommandations ou de projets. Les dirigeants du G20 ont ainsi exprimé, par exemple, en novembre 2020 leur ambition commune de parvenir à une réduction de 50 % des terres dégradées d’ici 2040. L’Union internationale pour la conservation de la nature, organisation mondiale fondée en 1948, a également publié cette année un plan d’actions en sept ans pour « sauver la nature et les peuples ». Parmi les politiques proposées figure l’ambition d’« investir dans la santé des sols et des terres pour soutenir un système alimentaire durable » en adoptant et intégrant des approches agroécologiques et régénératives.

Au niveau diplomatique, l’Union africaine a une « Convention pour la conservation de la nature et des ressources naturelles », entrée en vigueur en 2016. Le texte parle, entre autres, d’une « gestion durable des ressources en terres » qui pousse notamment les 45 signataires « à adopter des mesures de conservation et d’amélioration des sols ». De son côté, l’Union européenne – dont 60 % des sols ne sont pas considérés comme « sains » – parle, dans le cadre du Green Deal, d’une « directive relative à la surveillance et à la résilience des sols », un projet encore en cours de construction à l’heure actuelle…

… et aller plus loin

Signer des traités et des stratégies suffit-il à lutter contre la dégradation des sols ? Le défi est urgent : il faut en moyenne 100 ans pour former 1 centimètre de sol en bonne santé.

En plus d’un cadre politique favorable, tant au niveau national qu’international, il est primordial d’adopter de nouvelles techniques agronomiques qui soient adaptées au sol à protéger. Agriculture de conservation, association des cultures, pâturage contrôlé, cultures en terrasses… Les solutions sont aussi diverses que les terres à préserver ou restaurer. Il n’y a pas de règle unique. Une seule vérité s’impose : la préservation des sols ne peut se faire sans le monde agricole et ses acteurs.trices. Sans elleux, on ne perd pas seulement les terres, mais leur richesse infinie.

Rédactrice : Charlotte de Condé